lundi 3 avril 2023

 

Je veux tellement être forte que j'oublie que j'ai été complètement détruite.

C'est ça que je fais depuis des mois : je veux reprendre la vie comme si je n'avais pas été complètement détruite.

Je n'accepte pas d'être détruite. Ça ne peut pas m'arriver à moi.

Ça ne peut pas être moi.

Et pourtant.

Voilà ce que je suis devenue depuis cette plainte : l'ombre de moi-même.

Voilà où mène le combat.

On ne nous parle pas de ça. De l'après.

Après, il y a quoi ?

Il reste tout à reconstruire.

Et on ne sait pas par où commencer.

J'ai balayé toute une vie de silence.

La justice m'a roulé dessus.

Mon entourage sportif a voulu m'enterrer, encore plus profond dans le silence.

J'ai parlé, et puis quoi ?

J'ai porté plainte, et puis quoi ?

J'ai fait du bruit, et alors ?

Le silence s'est de nouveau refermé sur moi.

Et je dois trouver un sens à ma vie.

samedi 28 janvier 2023

Un homme, connu et reconnu de tous. Un homme admiré, et considéré jusque-là comme admirable.

Mais un homme qui consomme de la pédopornographie et qui a dragué des jeunes garçons, jusqu’à en inviter un chez lui.

Ne nous dites pas que ça concerne sa vie privée.

Ne soyez pas désolés que ça soit paru dans les journaux, toujours en invoquant la vie privée.

 

La pédopornographie, ce n’est pas de la vie privée.

Ça nous concerne tous.

 

Qui pense à ces enfants sur lesquels il se masturbait, fantasmait ?

Qui pense à ceux qu’il a approchés, sous le pseudo dégoûtant de « Daddy » ?

Qui pense à ce que ces enfants ont vécu, ou vivent encore à l’heure actuelle ?

 

C’est la vie privée de qui, ça ?

Ça nous concerne tous.

 

Fermer les yeux parce que c’est un « grand homme ». Parler d’autre chose. Changer de sujet, le plus rapidement possible…

Pour éviter d’avoir à réfléchir, pour éviter de se sentir concerné.

 

Mais, c’est la vie privée de qui ? La vie privée de quoi ?

 

Oui, il fallait que  nous sachions ça, que même les hommes les plus admirables peuvent être les plus dégoûtants et faire les choses les plus dégoûtantes du monde.

Et non, on ne devrait pas passer à autre chose aussi rapidement.

 

On devrait, au contraire, prendre le temps d’y réfléchir. Ouvrir grand les yeux sur la réalité de ce que cette histoire nous apprend, ce que cela nous enseigne.

 

C’est dégueulasse. Absolument dégueulasse.

Et l’avocate qui veut nous faire croire que son client n’est pas un monstre, parce que quand même il pensait que le gamin avait au moins quinze ans.

Comme si c’était normal d’inviter des enfants de 15 ans chez soi, quand on a cinquante-deux ans.

 

Et les gens qui voudraient nous faire croire, que des horreurs pareilles sont de l’ordre du privé… Si j’étais vous je me questionnerais sur ces gens. Que font-ils, eux, dans leur vie privée ? La même chose, peut-être…

 

Le sport m’écœure, le handball m’écœure, tout m’écœure à l’heure actuelle.

 

https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/01/25/bruno-martini-ex-gardien-de-l-equipe-de-france-de-handball-poursuivi-pour-corruption-de-mineur-et-detention-d-images-pedopornographiques_6159212_3242.html

 

mardi 6 décembre 2022

 

Comment continuer à vivre dans un monde où nos agresseurs vivent libres...

Libres, se sentant innocentés par une justice qui fait mal son travail, ou par la prescription.

Libres de recommencer, faire d'autres victimes peut-être...

Libres de vivre.


Tandis que nous, on s'enfonce sous le poids d'une injustice trop forte.

On s'enfonce d'avoir parlé, de s'être battues pour rien.

C'était peut-être pas pour rien, mais c'est l'impression qui nous reste...


Et tout ce qui a été perdu sur le chemin de la parole libérée...

Car vous croyez que c'est facile, vous croyez que nous sommes fortes... Mais c'est une erreur.


Quand une victime parle, quand elle ose dire tout ce qui lui est arrivé, elle a mobilisé tout ce qu'il reste de vie et de force en elle pour le faire.

Quand une victime parle, assez souvent, c'est parce qu'elle en arrive à ce point de sa vie, ce choix délicat entre Parler, ou bien Mourir.


On parle pour essayer de se déterrer, dans un ultime regain de survie. Pour sortir de la prison de verre qui nous sépare du monde, pour être enfin libre.

Parce qu'on ne supporte plus une vie faite de silences et de compromis.


Et au final, après ce combat incroyable que nous devons mener pour être entendues et crues, pour que notre agresseur soit enfin arrêté... Au final, de tout ça, il ne reste rien.


Ni notre vie ni notre monde ne se renverse.

Après la prison du silence, reste la prison du traumatisme. Parce que parler ne nous libère pas de ça. Et qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour aller mieux.


Mais l'agresseur, lui, toujours, se relève pimpant et libre.


Comment se relever après ça ?

Par quel bout reprendre la vie ?


A-t-elle encore un sens, d'ailleurs, cette vie ?

Violeurs en liberté.

Victimes traumatisées, toujours emprisonnées.


mercredi 30 novembre 2022

Une seule victime parle et on ne la croit pas.

Quand dix victimes parlent, on ne les croit pas plus.

"Présomption d'innocence", c'est tout ce qu'ils savent répliquer pour parer aux accusations...

Et aussi, "laissons la justice faire"...

Mais la justice, elle laisse en liberté bien trop de criminels pour qu'on lui fasse confiance.

Ainsi, le nombre de victimes ne suffit pas... Parce que ce sont des femmes, tout simplement, peut-être ?

Nous vivons dans un pays où la parole des femmes est mise en doute, de même que la parole des enfants quand ils dénoncent avant la prescription. 

Ce n'est jamais le bon moment pour parler, parce qu'on n'est jamais crus.

Seule la parole de l'homme compte, et quand un homme dit qu'il est innocent, on le croit...

Un homme seul suffit à établir n'importe quelle "vérité".

Mais une vérité qui sortirait de la bouche d'une femme, on la remet en cause, on la remet en doute.

On la renvoie dans les cordes de la justice, qui se fera un plaisir de la tacler pour la mette définitivement K.O.

Après des années de lutte pour l'écoute et l'égalité, on en est toujours là...

 

mardi 15 novembre 2022

Je me souviens de qui tu étais avant de devenir le monstre.

Je me souviens des bons moments passés ensemble.

Et c'est certainement ça le pire : avoir des bons souvenirs de toi.

Le cerveau nous joue des tours et parfois il n'a que ça à nous rapporter : les bons moments...

Ceux où tu n'étais pour moi qu'un entraîneur, et même un bon, peut-être le meilleur de tous.

Celui qui m'a donné envie de me défoncer sur le terrain.

Celui qui m'a donné envie d'avoir confiance en moi.

Avant de devenir le monstre, tu étais cette personne-là...

J'allais sur le terrain avec la rage de jouer, de gagner.

Et tout ça pendant au moins quatre années de suite.

Quatre ans, c'est long quand on est enfant et qu'on grandit.

Parce que tu m'as connue enfant, avant de me connaître adolescente.

Tu m'as vue grandir.

Et moi, j'ai grandi en partie avec toi, ta présence dans ma vie, à mes côtes.

Alors parfois, je me souviens de tout ça... Des moments avant le monstre.

Quand je croyais te connaître, alors que pas du tout.

C'est bizarre comme ça fait à la fois du bien de se souvenir, et en même temps pas du tout.

Que dois-je faire de ces souvenirs, et de tout ça?

Il y a eu toi, il y a eu moi. Et puis le monstre t'a avalé.

Alors il n'y a plus jamais eu que moi, seule et désemparée, désarmée, face au monstre.

 

lundi 26 septembre 2022

 

Chères victimes,

N’espérez pas de soutien de la part de votre entourage sportif, car vous n’en aurez pas.

Le monde du sport est un milieu hautement toxique, qui privilégie les agresseurs aux victimes.

C’est comme ça.

 

On fait tout ce qu’on peut pour que ça change, mais le système est bien refermé sur lui-même.

Votre parole ne franchira pas les hauts murs qui protègent le monde du sport.

 

A l’extérieur, oui, on a peut-être l’espoir que notre parole trouve une voie. Mais dans le milieu même qui a permis que ces violences se mettent en place, c’est impossible…

 

Le monde du sport, c’est une grande famille. Et en cela les violences subies peuvent être comparables à l’inceste.

L’inceste, qui se joue lui aussi dans un cercle fermé de personnes qui laissent faire, et qui restent silencieuses.

 

Ainsi, si vous voulez trouver du réconfort, ne le cherchez pas au sein de cette famille. Elle est gangrénée, moisie de haut en bas.

 

Il n’y a rien à espérer du sport, rien.

 

vendredi 16 septembre 2022

 

Je suis en colère.

Ces choses-là ne s’arrêtent jamais.

Les dénonciations, les surprises, les reportages, les articles…

Ça sort à un rythme régulier.

 

Et pourtant, personne n’a jamais l’air de nous entendre, de nous prendre au sérieux.

C’est surréaliste.

 

Je ne comprends pas que cela puisse être possible.

 

Tant d’années de sortie de silence, depuis les premières victimes, et jusqu’à maintenant…

Tant d’années de combat pour si peu de résultats concrets.

 

Il y a de quoi être en colère, encore et toujours plus.

 

Mais pourquoi n’écoutent-ils pas, quand on parle ?

  Je veux tellement être forte que j'oublie que j'ai été complètement détruite. C'est ça que je fais depuis des mois : je veux...